Le vendredi 10 décembre 2010 avait lieu la table ronde autour de Augustin Betancourt dans le cadre des architectes et des ingénieurs français en Russie (première moitié du XIXe siècle).
L’action des experts techniques français en Russie, des architectes et ingénieurs en premier lieu, a une histoire ancienne. Le gouvernement russe fait traditionnellement appel à eux dans le cadre de grands projets étatiques visant à augmenter le potentiel défensif du pays (fortification, artillerie, marine de guerre), à embellir les villes (bâtiment, infrastructures, aménagement urbain), à assurer une meilleure emprise sur le territoire (travaux publics). Déjà nombreux au XVIIIe siècle, ces spécialistes s’imposent en véritables maîtres d’œuvre des réformes d’Alexandre Ier qui veut moderniser le système des travaux publics dans l’empire.
Paradoxalement, l’intervention des experts français en Russie durant cette période décisive est en grande partie due de la médiation d’Augustin Betancourt (1758-1824), ingénieur, savant et pédagogue espagnol dont la culture technique spécifique s’est forgée au fil de ses nombreux séjours professionnels en France et en Angleterre (1784-1798) auxquels il faut ajouter une imposante carrière de chef des travaux publics en Espagne (1799-1808). Cette expérience plurielle a contribué à faire de Betancourt un expert polyvalent et un médiateur de taille européenne. Venu en Russie en 1808, sur l’invitation d’Alexandre Ier, et associé d’emblée à la réforme de l’administration des travaux publics, il s’y est montré fervent promoteur du modèle français notamment dans la formation des ingénieurs. Son cercle de collaborateurs, des ingénieurs et architectes d’origines diverses, est un véritable laboratoire où fusent idées et innovations, dont les retombées sur l’art et l’architecture russes seront rapidement matérialisées.
Nous consacrons ainsi cette table ronde à l’étude des sociabilités professionnelles de Betancourt en Russie, en privilégiant les architectes et les ingénieurs des travaux publics parmi lesquels les représentants de la France ont joué un rôle déterminant. En effet, experts reconnus ou débutants obscurs, hommes de métier ou hommes de fortune, ces Français se posent collectivement en bâtisseurs d’une nouvelle culture technique émergente, vouée à reconfigurer à terme le paysage socio-économique et technico-culturel de l’immense empire. En échange, la Russie est devenue pour ces hommes une terre d’opportunités inédites, de carrières fulgurantes mais aussi, parfois, d’échecs cuisants dus aux enjeux politiques, aux clivages relationnels et aux conflits des mentalités. Les membres de ce groupe constituent encore une nébuleuse qui, à ce jour, n’a pas été étudiée dans son ensemble. Combler cette lacune est l’objectif de la table ronde lors de laquelle des historiens venus des différents pays d’Europe viendront présenter leurs contributions inédites et originales.
• Dominique Bourel (Centre Roland Mousnier, CNRS, Université Paris-Sorbonne)
• Augustin Betancourt : un ingénieur des Lumières à l’œuvre de la médiation, par Irina Gouzévitch (Centre Maurice Halbwachs, EHESS)
• Ingénieurs et architectes français au Portugal : étude d’un cas en parallèle, par Ana Cardoso de Matos (Université d’Evora, Portugal)
• L’expérience au pluriel ? Ce que Betancourt aurait appris dans le ‘premier pays industrialisé au monde [la Grande Bretagne], par Peter Jones (Université de Birmingham)
• Séance présidée par André Grelon (Centre Maurice Halbwachs, EHESS)
250ème anniversaire d’Augustin de Betancourt y Molina (1758-1824) : numéro spécial de « Quaderns d’Història de l’Enginyeria », par Antoni Roca-Rosell (Centro de Recerca per a la Història de la Tècnica ETSEIB, Barcelone)
• Architectes et ingénieurs français en Russie, au XVIIIe siècle : prologue à l’action à grande échelle (survol sur la base des matériaux du « Dictionnaire biographique »), par Vladislav Rjéoutski (Université de Paris Ouest)
• Le cercle international de Betancourt en Russie : l’effet du creuset, par Dmitri Gouzévitch (CERCEC, EHESS)
• La Russie, terre d’opportunités : architectes et ingénieurs français au service de la Couronne, un esquisse de portrait de groupe, sous la présidence de Francine-Dominique Liechtenhan (Centre Roland Mousnier, CNRS, Université Paris-Sorbonne)
• L’architecte Thomas de Tomon, l’un des premiers urbanistes de Saint-Pétersbourg, par Andrej Punin (Académie des Beaux-Arts de St-Pétersbourg)
• Montferrand-dessinateur : le talent du peintre au service d’une carrière d’architecte, par Éléna Dogadaéva, Mansur Dominov (Musée de la cathédrale de St-Isaac, St-Pétersbourg) et Jacques Talbot (Montferrand Renaissance, Clermont-Ferrand)
• Eugène Pascal à Saint-Pétersbourg: vie et œuvre d’un architecte français oublié, par Alexandre Kviatkovski, Véra Bondarchuk (Musée de la cathédrale de St-Isaac, St-Pétersbourg) et Françoise Gibert (Montferrand Renaissance, Clermont-Ferrand)
• Antoine Mauduit, grand urbaniste aux ambitions frustrées, par Zoja Jurkova (Comité du Contrôle pour l’entretien et la protection des monuments historiques, St-Pétersbourg)
• Le Français Paul Jacquot, architecte du classicisme tardif pétersbourgeois, par Ksenia Beloüs (Académie des Beaux-Arts de St-Pétersbourg)
• Antoine Raucourt : un technocrate au service de la Russie, par Hélène Vérin (CNRS)
Avec le soutien des institutions suivantes :
- l’Agence nationale de la Recherche
- le Centre Roland Mousnier (CNRS, Université-Paris-Sorbonne)
- le Centre d’Etudes slaves (Université-Paris-Sorbonne)
- le Musée d’Etat « Cathédrale Saint-Isaac », Saint-Pétersbourg
- le Consulat de France à Saint-Pétersbourg
VOIR PHOTOS ET TEXTE : Augustin Betancourt et son cercle entre médiation et action